 
Dans un contexte économique en constante mutation, le droit bancaire français connaît des transformations significatives pour s’adapter aux défis contemporains. Entre digitalisation des services financiers, renforcement de la protection des consommateurs et adaptation aux crises économiques, les établissements bancaires font face à un cadre juridique en pleine évolution. Cet article fait le point sur les récentes avancées qui redéfinissent les relations entre banques et clients.
La révolution numérique et son impact sur la réglementation bancaire
La transformation digitale du secteur bancaire constitue sans doute l’un des plus grands bouleversements de ces dernières années. Les services bancaires ont progressivement migré vers des plateformes en ligne, modifiant profondément la relation client et nécessitant une adaptation du cadre juridique. La Directive sur les Services de Paiement 2 (DSP2), entrée pleinement en application en 2021, représente l’une des réponses réglementaires majeures à cette évolution.
Cette directive a notamment introduit l’obligation d’une authentification forte pour les opérations sensibles, renforçant considérablement la sécurité des transactions en ligne. Elle a également ouvert le marché à de nouveaux acteurs comme les prestataires de services d’initiation de paiement et les agrégateurs de comptes, créant un écosystème plus concurrentiel mais aussi plus complexe sur le plan juridique.
Parallèlement, le règlement général sur la protection des données (RGPD) a imposé aux établissements bancaires de nouvelles obligations en matière de gestion et de protection des données personnelles de leurs clients. Les banques doivent désormais obtenir un consentement explicite pour la collecte et le traitement des données, tout en garantissant aux clients un droit d’accès, de rectification et d’effacement de ces informations.
Renforcement de la protection des consommateurs
La protection du consommateur demeure une préoccupation centrale des évolutions récentes du droit bancaire. La loi Hamon et la loi Macron ont significativement renforcé les droits des clients bancaires, notamment en matière de mobilité bancaire et d’assurance emprunteur.
La mobilité bancaire a été considérablement facilitée par le service d’aide à la mobilité bancaire, communément appelé « mandat de mobilité ». Depuis 2017, les établissements bancaires sont tenus de proposer ce service gratuit qui permet aux clients de changer de banque de manière simplifiée, la nouvelle banque se chargeant des formalités de transfert des opérations récurrentes.
En matière d’assurance emprunteur, les emprunteurs bénéficient désormais d’une liberté accrue. La loi Lemoine du 28 février 2022 constitue une avancée majeure en permettant aux emprunteurs de résilier à tout moment leur contrat d’assurance emprunteur pour en souscrire un nouveau, potentiellement moins coûteux, auprès d’un autre assureur. Cette évolution, qui met fin à la segmentation annuelle de la résiliation, représente un gain de pouvoir d’achat considérable pour de nombreux ménages français.
Les experts de Juridique Connect soulignent que cette réforme pourrait entraîner une baisse significative des primes d’assurance emprunteur dans les années à venir, les établissements bancaires étant désormais contraints de s’aligner sur les tarifs proposés par les assureurs alternatifs pour conserver leur clientèle.
L’adaptation du cadre prudentiel post-crise
Les séquelles de la crise financière de 2008 continuent de façonner l’évolution du droit bancaire. L’Union bancaire européenne, mise en place progressivement depuis 2014, a considérablement renforcé la supervision des établissements bancaires au niveau européen.
Le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU) confie à la Banque Centrale Européenne (BCE) la supervision directe des banques les plus importantes de la zone euro. En France, les grandes banques comme BNP Paribas, Société Générale ou Crédit Agricole sont ainsi placées sous la surveillance directe de la BCE, tandis que les établissements de moindre importance restent sous le contrôle de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), en coordination avec la BCE.
Le Mécanisme de Résolution Unique (MRU) constitue le second pilier de l’Union bancaire. Il vise à gérer la défaillance des établissements bancaires de manière ordonnée, en minimisant l’impact sur les contribuables. La directive sur le redressement et la résolution des banques (BRRD) et le règlement sur le mécanisme de résolution unique (SRMR) ont introduit de nouveaux outils de résolution, comme le « bail-in » qui permet de faire contribuer les actionnaires et créanciers d’une banque à son renflouement avant tout recours aux fonds publics.
La transposition en droit français de ces réglementations européennes a nécessité d’importantes adaptations législatives, notamment à travers l’ordonnance du 20 août 2015 relative au régime de résolution dans le secteur bancaire, complétée par plusieurs décrets d’application.
Finance durable et responsabilité sociale des banques
La finance durable représente l’une des évolutions les plus significatives du droit bancaire ces dernières années. Le règlement Taxonomie et le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité (SFDR) imposent désormais aux établissements financiers de nouvelles obligations de transparence concernant l’impact environnemental et social de leurs activités.
Les banques doivent notamment publier des informations précises sur la manière dont elles intègrent les risques en matière de durabilité dans leurs processus de décision d’investissement et fournir des informations sur les incidences négatives de ces décisions sur les facteurs de durabilité.
En France, l’article 29 de la loi Énergie-Climat va plus loin que la réglementation européenne en imposant aux acteurs financiers de publier leur stratégie d’alignement avec les objectifs de l’Accord de Paris et leur contribution à la transition vers une économie bas-carbone.
Ces évolutions témoignent d’une prise en compte croissante des enjeux environnementaux dans la réglementation bancaire, qui devrait s’accentuer dans les années à venir avec la mise en œuvre du Pacte vert pour l’Europe.
La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
Le renforcement de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) constitue une priorité constante des régulateurs bancaires. La 5ème directive anti-blanchiment, transposée en droit français par l’ordonnance du 12 février 2020, a considérablement renforcé les obligations des établissements bancaires en la matière.
Parmi les principales évolutions, on peut noter l’extension du champ d’application de la réglementation aux actifs numériques, avec l’intégration des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) dans le périmètre des entités assujetties aux obligations de LCB-FT.
La directive a également renforcé les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle, en particulier concernant les relations d’affaires impliquant des pays tiers à haut risque. Les établissements bancaires doivent désormais appliquer des mesures de vigilance renforcées systématiques à l’égard de ces pays, incluant l’obtention d’informations supplémentaires sur le client, la nature de la relation d’affaires et l’origine des fonds.
La création d’un registre central des bénéficiaires effectifs, accessible aux autorités compétentes et aux entités assujetties dans le cadre de leurs obligations de vigilance, constitue également une avancée majeure dans la transparence financière et la lutte contre les sociétés écrans.
Les défis liés à l’émergence des crypto-actifs
L’essor des crypto-actifs et de la blockchain a conduit à l’élaboration d’un cadre juridique spécifique. Le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), adopté par l’Union européenne en 2023, vise à encadrer l’émission et la négociation de crypto-actifs au sein du marché unique européen.
Ce règlement instaure un régime d’autorisation pour les émetteurs de jetons et les prestataires de services sur crypto-actifs, harmonisant ainsi les règles au niveau européen. Il impose également des exigences en matière de transparence et d’information des investisseurs, notamment à travers la publication d’un livre blanc pour toute offre publique de crypto-actifs.
En France, la loi PACTE de 2019 avait déjà mis en place un cadre réglementaire national pour les actifs numériques, avec notamment la création du statut de PSAN. L’articulation entre ce cadre national et le futur règlement européen constitue un défi majeur pour les autorités françaises et les acteurs du secteur.
L’encadrement des stablecoins représente un enjeu particulier, ces actifs numériques adossés à des monnaies fiduciaires ou à des actifs réels posant des questions spécifiques en termes de stabilité financière et de souveraineté monétaire.
Dans ce contexte, la Banque de France poursuit ses travaux sur une éventuelle monnaie digitale de banque centrale (MDBC), qui pourrait offrir une alternative institutionnelle aux stablecoins privés, tout en préservant la souveraineté monétaire européenne.
Le droit bancaire français connaît ainsi une période de profonde mutation, marquée par la nécessité de concilier innovation financière, protection des consommateurs et stabilité du système bancaire. Les années à venir devraient voir cette tendance se poursuivre, avec notamment l’achèvement de l’Union bancaire européenne et l’adaptation continue du cadre réglementaire aux évolutions technologiques et aux nouveaux risques émergents.
